Pourquoi avons-nous arrêté cette pratique?
L’entomophagie, le fait de manger des insectes, est un acte perçu comme tout à fait naturel déjà par plus de 2 milliards de personnes que ce soit en Asie, en Amérique du Sud ou encore en Afrique. Ces derniers les consomment comme une source de nourriture au même titre que d’autres viandes, poissons, ... Pourtant en Belgique et en Europe c’est encore loin d’être le cas ... mais comment cela se fait-il ? Pourquoi cette pratique a-t-elle disparue sachant que nos ancêtres mangeaient régulièrement des insectes ?
Les premiers hommes pratiquaient l’entomophagie
D’après les observations scientifiques réalisées sur les mâchoires fossilisées des ancêtres des primates (dont nous sommes issus), ces derniers avaient un régime insectivore. Avec le temps, la dentition de nos ancêtres a évolué pour devenir frugivore. Comment a ensuite évolué l’alimentation des primates jusqu’à l’apparition des premiers anthropoïdes bipèdes, il y a 7 millions d’années ? On peut supposer, sur base de l’étude des dents, que la grande majorité des différentes espèces d’Hominidae (dont l’homme moderne [Homo sapiens] est issu) était des omnivores. Ces peuplades étaient donc opportunistes pour se nourrir. Elles consommaient forcément les aliments que leur procurait leur environnement avec pour critère majeur : une dépense minimale d’énergie. Les insectes, de par leur biomasse et leur abondance dans tous les écosystèmes terrestres, ne pouvaient donc échapper aux repas de nos ancêtres. Les australopithèques et les hommes se déplaçaient au gré de l’abondance de leurs sources de nourriture, animale et végétale. À l’instar de la majorité des peuplades contemporaines «primitives » (Bochimans, pygmées, nombreuses tribus amazoniennes, indiens nord-américains (autrefois), aborigènes australiens...), ils mangeaient donc vraisemblablement des insectes accompagnés de divers végétaux.
On retrouve également des références à l’entomophagie dans des textes anciens tel que dans le Nouveau Testament, la Torah, le Coran, les textes d’Aristote et de Pline. Dans nos régions tempérées et dans les régions plus nordiques, l’entomophagie a certainement disparue voici plus ou moins dix mille ans avec l’apparition de l’agriculture et de l’élevage. Elle est devenue un mode d’alimentation très secondaire, peut-être uniquement utilisé lors de disette.
Des peintures rupestres datant de plus de 30 000 ans avant notre ère, ont été découvertes dans le Nord de l’Espagne, décrivant différentes scènes illustrant la consommation d’abeilles sauvages par l’homme. En Chine, au Mexique et dans des cavernes sur le sol américain, des restes de carapaces d’insectes ont été retrouvés parmi les déjections humaines. Ainsi, avant l’invention des outils permettant de chasser et de cultiver les terres, les insectes occupaient une place considérable dans l’alimentation humaine. Les scientifiques s'accordent même pour dire qu’à travers leurs bienfaits nutritionnels, les insectes auraient particulièrement contribué à notre évolution.
En ce qui concerne l’Europe, les Romains et les Grecs raffolaient des larves de coléoptères, de criquets enrobés dans du miel ou encore de la cigale qui étaient particulièrement appréciées pour son goût et ses bienfaits nutritifs. En France, les insectes étaient aussi très appréciés, que ce soit les hannetons, les vers de farine ou encore les vers à soie. Au Moyen-Age, les hommes consommaient régulièrement des larves de ténébrions meuniers et à l’époque des soieries, le ver à soie était également consommé et considéré comme un encas de choix. L'hanneton, appartenant à l'ordre des coléoptères, était considéré comme un aliment de qualité, certains châtelains offraient même des beignets aux hannetons à leurs invités.
Mais alors, que s’est-il passé pour que cette coutume tombe à ce point dans l’oubli ?
Pourquoi l’entomophagie est-elle tombée dans l’oubli en Europe?
En Occident, l’entomophagie est actuellement considérée comme une pratique rurale, voire d’un autre temps. Les réactions des consommateurs occidentaux sont souvent le dégoût, la peur, l’aversion, considérant cela comme un acte « barbare » ou propre aux cultures «primitives ». Mais pourquoi y a-t-il une telle différence dans les mentalités d’Europe occidentale et celles ayant déjà intégré les insectes dans leur alimentation ?
La raison principale serait qu’au fur et à mesure des siècles, l’Europe occidentale s’est aseptisée : chasse aux microbes, utilisation insensée des antibiotiques, produits de plus en plus transformés, ... Sachant que les insectes sont très souvent associés à la saleté et à tout ce qui est nuisible, ils sont automatiquement associés dans l’imagerie populaire à des vecteurs de maladies. Cela mènerait à la conclusion qu’il serait préférable d’éviter de les consommer pour des questions d'hygiène et que les retirer de notre alimentation permettrait de prévenir les maladies. Or, rien n’est moins vrai. En effet, plus éloignés dans l’échelle de l’évolution de l’être humain que les animaux d’élevage traditionnel, les insectes sont par-conséquent beaucoup moins susceptibles de transmettre des maladies à l’Homme.
Ensuite, une autre hypothèse de la disparition des insectes dans l’alimentation occidentale serait liée à leur aspect "primitif", "barbare" renvoyant à l'idée de pauvreté et de sous-culture. Ainsi, pour nos ancêtres, cette pratique qui s’effectuait lors de la cueillette aurait été peu à peu dénigrée. Et finalement pour accéder à un certain statut social il était préférable d'arrêter cette pratique considérée comme bien trop rurale.
Un autre facteur de disparition serait l’association fréquente qui est faite entre les insectes et les dommages des cultures agricoles. On entend souvent des témoignages : « les insectes ravageurs de cultures », « des nuées de sauterelles qui mangent tout sur leur passage », ... Alors qu’il ne s’agit que d’une infime partie des insectes, par association, ces derniers sont souvent mis tous dans le même panier. Par exemple, à travers l’imagerie collective, les grillons vont être perçus négativement comme des ravageurs responsables des dégâts causés aux surfaces agricoles alors qu'ils en sont incapables.
Finalement, une autre cause logique de leur disparition dans l’alimentation occidentale est le développement industriel. En effet, la viande est devenue meilleure marché et plus abordable pour les couches les plus pauvres de la société. La consommation d’insectes est devenue obsolète, cédant le terrain aux cultures et aux élevages de viande à très grande échelle.
Finalement, si les insectes ont disparus de notre alimentation, ce n'est pas pour des raisons "valables". Cela s'est fait peu à peu, sous des phénomènes de pressions sociales de différences culturelles et d'idéologies négligeant totalement leurs bienfaits que ce soit pour la santé, l'environnement ou pour leurs qualités gustatives tout sur leurs bénéfices.
C'est pourquoi, à travers l'éducation et le changement progressif des mentalités, il pourra être possible de réintroduire les insectes comestibles en Europe. L'essentiel dans les années à venir sera donc de sensibiliser les nouvelles générations aux multiples avantages des insectes comestibles.
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